Extrait du film l’Empreinte

Ce matin en ouvrant Facebook, la plateforme m’ offre à la lecture une publication que j’ avais fait  et publié en février 2015  sur l’ Empreinte. Je la transmets si elle peut t’être utile. Lettre à un jeune homme qui veut poursuivre la réflexion entamée par l’Empreinte. 26 février 2015. Yvan Dubuc

Bonjour K. Merci pour votre correspondance. Il m’apparait évident que le sujet que nous abordons dans l’Empreinte est un sujet qui doit être creusé par nous tous et non seulement par ses réalisateurs et qu’il y a énormément de recherche à faire sur ce thème. L’Empreinte est le fruit de plus de 40 ans de recherche. Aussi, je n’ai pas véritablement de livres ou d’articles à vous suggérer si ce n’est de chercher avec passion dans tous les rayons de toutes les grandes bibliothèques tout ce qui touche à ce sujet. L’Empreinte est né de cette culture livresque, mais encore plus, de l’observation de nos comportements culturels, de la réflexion sur soi et de l’acte de vivre. Dans le monde des livres ma réflexion s’est nourrie autant des tout premiers écrits portant sur notre rencontre avec les peuples autochtones, je parle ici des Relations des jésuites, des travaux de Charlevoix que des tout derniers écrits publiés en 2013 tels ceux de David Hackett : Le rêve de Champlain . L’Empreinte est né également de rencontres, d’amitiés avec les gens de Maniwaki ainsi que de ma fascination pour ce mélange de culture indienne, française et irlandaise. Il est est né également de mon apprentissage de la chasse avec mes guides Anishnabés et de mes « brosses » avec eux à l’hôtel Martineau. L’Empreinte est né aussi du tournage de La bête lumineuse dans mon camp de chasse au Mishomis qui nous avait été donné par deux vieux chasseurs indiens qui désiraient quitté l’isolement de la Haute Gatineau dans le parc Lavérendry pour Maniwaki (je suis coauteur de «La bête lumineuse avec Pierre Perrault). Au cours de la dernière nuit au Mishomis, Barney m’avait entraîné à l’écart du groupe et m’avait fait mangé le cerveau, la langue et le coeur de l’ours en me nourrissant comme si j’étais un bébé et ce tout en me parlant en anishnabé.Je n’ai pas compris ses mots mais j’ai entendu son esprit qui parlait à l’intérieur de moi.. Mon questionnement s’est également construit par mes recherches sur les grandes oeuvres de notre imaginaire collectif et ses archétypes par la psychanalyse jungienne. Je pense ici à la figure du nomade et du sédentaire dans nos grands romans. François Paradis dans Maria-Chapdelaine, Menaud, dans Menaud maître-draveur, le Survenant, Alexis Labranche, Ovila Pronovost. Ce questionnement a été entrepris dans la foulée du référendum de 1980 afin de mieux comprendre les structures profondes de notre imaginaire.Le film s’est également nourri de mon questionnement sur mon propre inconscient individuel par la psychanalyse freudienne. Se voir soi-même est une démarche infiniment difficile à faire. Changer le paradigme à travers lequel on se conçoit et interprète le monde est une aventure presque impossible. Accéder en pleine conscience au-delà des filtres et des masques du conscient à notre inconscient collectif et individuel est un travail de toute une vie. Ce n’est pas un exercice intellectuel. C’est une démarche qui engage la totalité de l’être et qui touche à tous les aspects de sa vie. Ce changement de paradigme a passé également par la lecture, la relecture , la rerelecture et la fréquentation intime et soutenue de l’oeuvre de Georges Sioui qui m’a permis d’accéder peu à peu à la pensée du cercle non comme savoir ou connaissance ; mais comme manière différente d’être et de penser le monde… Le contenu de l’Empreinte passe également par mes 10 ans d’exil en France qui m’ont permis de prendre une distance avec la société québécoise et de nous voir de l’extérieur. L’Empreinte passe également par ma rencontre avec Carole Poliquin et les recherches circonstancielle que nous avons faites pour faire le film car sans la ténacité de Carole qui pendant 2 ans a insisté pour que je fasse ce projet, l’Empreinte n’aurait jamais vue le jour; tout simplement parce que je ne voulais plus faire de film… C’est en s’engageant à le produire, à le coréaliser et à prendre en charge toute la « poutine » qui entoure la production d’un film qu’elle a fini par me convaincre. Pour ma part cette réflexion sur les liens entre l’identité québécoise et l’amérindianité était déjà faite, la démarche ne m’apportait rien de neuf sur le plan culturel, intellectuel ou émotionnel. Ma seule motivation pour faire ce film a alors a été de donner quelque chose à ma société. C’est à un niveau plus intime que la réalisation de l’Empreinte m’a apporté quelque chose. C’est au niveau de l’approfondissement d’une intelligence émotionnelle et de la maîtrise d’une écriture cinématographique qui permet d’aller posé du sens dans l’inconscient collectif afin de le mettre en mouvement que cette démarche m’a apprit et m’ a apporté du bonheur.Aussi je vous souhaite bonne chance dans votre démarche. Vous entreprenez une grande aventure, la plus fabuleuse des aventures : L’aventure de la connaissance de soi. Elle doit engager tout votre être et toucher à tous les aspects de votre vie. C’est le seul chemin de libération possible pour soi et pour les autres. Bon chemin à toi et à ta descendance comme disait Félix dans sa « Lettre à mon fils ». Mes meilleures pensées vous accompagnent. Amitiés Yvan Dubuc